- Héloïse Schapiro« Le diamant est éternel et l'or se recycle à l'infini. En joaillerie, rien ne se perd, tout se transmet. »
NOUS SOMMES RAVIS DE COMPTER HÉLOÏSE SCHAPIRO PARMI NOS CRÉATRICES. FONDATRICE DE HÉLOÏSE & ABÉLARD, HÉLOÏSE CRÉE TOUS SES BIJOUX À PARTIR DE DIAMANTS RECYCLÉS ET D'OR 18 CARATS RECYCLÉ. DANS CETTE INTERVIEW, NOUS AVONS POSÉ QUELQUES QUESTIONS À HÉLOÏSE POUR EN SAVOIR PLUS SUR SON PARCOURS ET SES INSPIRATIONS.
1. Quel est votre premier souvenir de bijoux ?
Mes premiers souvenirs de bijoux sont liés à ma mère et à ma grand-mère, ma Maison parisienne de joaillerie éthique Héloïse & Abélard est donc intimement liée à mes souvenirs d’enfance. Je me rappelle très bien de ma grand-mère, de ses mains osseuses et bijoutées avec lesquelles il lui arrivait de me taper sur la main quand je faisais une bêtise… les bijoux s’entrechoquaient, j’aimais leur bruit et la crainte que cela tombe mal et soit douloureux ! J’ai également des souvenirs précis des bagues et parures fantaisie de ma mère, de leurs volumes gigantesques et de leurs couleurs chatoyantes. Je me rappelle les tripoter quand elle les portait, aimer quand ils faisaient du bruit. Je me rappelle être fascinée par la façon dont elle les assumait si naturellement. Ma mère dénichait toujours des bijoux extrêmement originaux, des « belles pièces » ; elle raisonnait en « collectionneuse », et considérait ses bijoux comme des œuvres d’art. Les bijoux qui m’entouraient enfant ont toujours suscité la curiosité, ils étaient atypiques. Leur sélection était toujours pointue, extrêmement éloignée de la joaillerie classique et des pièces reconnaissables de marque.
2. Quelle est la première pièce que vous ayez conçue ?
J’ai accompagné ma grand-mère et ma mère dans la création d’un bijou complètement fou chez un joaillier parisien. Elles avaient réuni de très beaux diamants de famille et une énorme perle. Nous avons tous participé à la création de cette pièce désordonnée, au volume généreux, à l’asymétrie évidente. Je possède avec beaucoup de fierté ce bijou aujourd’hui, je le porte peu car il est plus proche d’une pièce de haute joaillerie que d’un bijou facile à porter au quotidien. J’ai créé ma première pièce en 2014, à l’occasion de mes fiançailles. Il s’agit d’une bague de style « bouquet » composée de diamants ayant appartenu à ma mère, et de diamants de taille ancienne recyclés d’anciens bijoux achetés aux enchères. Cette bague est cossue, sa construction est asymétrique, ses diamants sont tous de dimensions différentes, l’ensemble est désorganisé mais d’une apparente simplicité. Sans le savoir, je donnais progressivement naissance au style H&A.
3. Pouvez-vous nous raconter l’histoire du nom Héloïse & Abélard ?
Ce nom rend hommage à un couple de légende du Moyen-Âge, Héloïse et Abélard. Héloïse et Abélard sont deux amants éperdument amoureux qui transgressent l’ordre établi du XIIème siècle pour parvenir à l’accomplissement de leurs sentiments. Pierre Abélard, brillant intellectuel de 39 ans, enseigne la philosophie à la cathédrale Notre-Dame de Paris. Il se voit confier l'éducation d'Héloïse d'Argenteuil, âgée de 18 ans. Héloïse et Abélard vont alors vivre une passion charnelle à l’abri d’un hôtel particulier situé Île de la Cité. Découverts par l’oncle d’Héloïse, leur châtiment sera terrible : séparés à vie, Abélard est émasculé et Héloïse envoyée dans un couvent en Champagne. À la mort d’Abélard, Héloïse exige que son amant soit enterré auprès d’elle dans son couvent. Vingt-deux ans plus tard, elle est ensevelie à ses côtés. La légende dit qu’Abélard étendit les bras pour la recevoir, la tenant ainsi embrassée à jamais. En 1817, sur demande de la Ville de Paris, le couple rebelle du Moyen-Âge est transféré au cimetière du Père Lachaise, devenant ainsi les amants les plus anciens de ce lieu mythique.
L’histoire de ce couple est intimement ancrée dans l’histoire de Paris, leur relation épistolaire est un monument de la littérature française. Intellectuelle du Moyen Âge, femme de lettres d’Occident et première écrivain à définir la spécificité du désir féminin, Héloïse devient une figure mythique de la passion amoureuse. Ma mère dont j’ai hérité ma passion pour les bijoux m’a prénommée Héloïse en référence à cette passion amoureuse et à la personnalité d’Héloïse d’Argenteuil, j’ai pensé intéressant de lier notre joaillerie recyclée à cette histoire romantique intemporelle, afin de la raconter et de la faire connaître. Créée en 2019, notre Maison insuffle dans sa joaillerie l’idéal de liberté de ce couple de légende.
4. Héloïse & Abélard propose une joaillerie éthique et féminine. Pouvez-vous nous en dire plus sur la création de votre marque et les valeurs que vous défendez ?
Héloïse & Abélard est la première Maison Parisienne de joaillerie recyclée. J'ai créé Héloïse & Abélard en 2019, après 10 ans d'expérience au sein de grandes Maisons de joaillerie de la Place Vendôme, avec pour objectif de redonner leur caractère éternel à l'or et aux diamants, et de proposer une joaillerie circulaire désirable et responsable. Une joaillerie plus transparente, qui dit ce qu'elle fait et fait ce qu'elle dit, et qui remet au centre la notion de transmission, et non d'accumulation. Ma vision est simple : le diamant est éternel et l'or se recycle à l'infini. En joaillerie, rien ne se perd, tout se transmet.
Accompagnée d’une équipe de diamantaires, je déniche en France des diamants d’excellente qualité à recycler ; montés sur des bijoux de seconde main, ou délaissés par des particuliers, des antiquaires. Je dessine tous nos bijoux et nous les fabriquons à la commande de nos clients, à Paris, au sein d’un atelier de joaillerie de renom situé dans le quartier du Marais. Recycler donc, sans compromis sur la qualité, et sans restocker. La joaillerie Héloïse & Abélard est ultra-féminine, aérienne, délicate. J’imagine des compositions aléatoires de diamants d’une apparente simplicité. Peu de métal, de l’asymétrie, des combinaisons originales de formes, une dimension florale et romantique. J’aime l’idée de créer de l’ordre dans le désordre, de considérer le désordre comme une notion positive, à l’image de la vie des femmes d’aujourd’hui. H&A s’adresse à toutes les femmes, soucieuses de leur allure, mais conscientes de leur impact. Désireuses de s’offrir une joaillerie plus saine, plus humaine, plus durable.
5. Selon vous, pourquoi est-ce important de travailler à partir de matériaux recyclés aujourd’hui ?
Il existe différentes manières aujourd'hui de proposer une joaillerie plus responsable : diamants de synthèse, fournisseurs labellisés RJC (Responsible Jewellery Council), diamants certifiés Kimberley etc. Toutefois à mes yeux, il me semble beaucoup plus efficace et fiable, au-delà de s’interroger sur les conditions d’extraction et d’approvisionnement, de stopper l’extraction en réutilisant uniquement les matières naturelles rares et éternelles déjà extraites et largement suffisantes autour de nous pour fabriquer l’ensemble des bijoux dans le monde. Certes, c’est un processus plus complexe et chronophage qui nécessite d’identifier, d’analyser, de trier, de démonter des bijoux et de fait plus couteux en fabrication. Néanmoins c’est pour moi l'unique solution pour proposer une joaillerie plus éthique. En réutilisant des diamants, H&A n’a rien inventé : nous sommes uniquement revenus aux fondamentaux, la notion de transmission et transformation ayant toujours été au cœur de la joaillerie. Les mines africaines découvertes au XXème siècle ont inondé le marché de diamants alors qu’autrefois, il était d’usage de transmettre et de transformer ses bijoux, sans se procurer en permanence de « nouveaux » bijoux, et ce même au sein des grandes familles royales.
6. Dans quel contexte vous sentez-vous le mieux pour créer ?
Je n’ai pas de contexte idéal. Je crée lorsque cela me vient, très régulièrement pour nos collections mais aussi pour tous les projets de réutilisation de nos clients qui nous apportent leurs pierres. Je crée également beaucoup pour des projets sur-mesure en partant d’une page blanche. Je m’inspire de tout ce qui passe et je crée toujours à partir des pierres que nous avons et non l’inverse !
7. Où chinez-vous vos diamants ?
Accompagnée d’une équipe de diamantaires, je sélectionne en France des diamants d’excellente qualité à recycler ; montés sur des bijoux de seconde main achetés en ventes aux enchères, ou délaissés par des particuliers, des antiquaires. Nos diamants de seconde main sont de couleur G/H, et de pureté VS/Si : ce sont les critères que j’ai définis pour proposer une joaillerie d’excellente qualité, à la hauteur des standards qualité des grandes Maisons de la Place Vendôme.
8. Pour vous, que racontent les bijoux ?
Ils racontent tout de la femme qui les portent. Ses histoires d’amour, ses folies, tous les évènements importants de sa vie. Ils incarnent sa personnalité, sa filiation également. C’est passionnant de rencontrer toutes les femmes qui se pressent dans notre showroom et de mieux les comprendre grâce à leurs bijoux.
9. Quels sont vos créateurs de bijoux préférés ?
Suzanne Belperron bien sûr, Elsa Peretti, Gabrielle Chanel également dont je connais bien les créations ayant longuement travaillé au sein du département Joaillerie de la Maison.
10. Que feriez-vous si vous n’étiez pas joaillière ?
De l’architecture ou de la décoration d’intérieure. Je suis passionnée par le design, par les proportions, les couleurs, les belles pièces qui doivent structurer un intérieur.
11. Quelles lectures vous ont marquées ?
De Simone Weil, le Deuxième Sexe, la Pesanteur et la Grâce. Propos sur le Bonheur d’Alain. J’aime aussi les polars et les romans, j’adore tous les livres de Michel Houellebecq, et récemment j’ai beaucoup aimé Histoires de la nuit de Laurent Mauvignier.
12. Quel voyage rêvez-vous de faire ?
Tous ! Je suis une dingue de voyage, ne pas avoir découvert de nouveaux pays à cause de la pandémie depuis plus d’un an est très frustrant. Sur ma liste, l’Egypte et l’Argentine au plus tôt, et tous les plus extraordinaires déserts du monde. Bien sûr retourner également au Sénégal dès que possible, pays où je vais depuis que je suis enfant quasiment tous les ans.
13. Mini-portrait chinois - Si vous étiez...
Si j'étais un bijou : une bague ou un diadème d'époque.
Une pierre : un diamant de forme atypique.
Une fleur : de la lavande ou du blé qui a séché mais qui est toujours si doux et respire le soleil.
Une œuvre d'art : une composition désordonnée de Sophie Taeuber Arp.
Un pays : le Sénégal et sa chaleur.
Un animal : un papillon coloré.
Un sport : le yoga bien sûr.
Héloïse & Abélard
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