- Pippa Small« Je trouve mon inspiration dans les pierres, les motifs traditionnels, la céramique, les textiles, en observant les gens dans les rues et sur les marchés des endroits où je travaille pour voir ce qu'ils portent. »
PIPPA SMALL EST NÉE À MONTRÉAL DANS UNE FAMILLE D’ARTISTES. ENFANT, ELLE RAMASSAIT DES PIERRES QUI LA FASCINAIENT... POUR CÉLÉBRER NOTRE LONGUE COLLABORATION, NOUS AVONS POSÉ QUELQUES QUESTIONS À PIPPA, POUR CONNAITRE SES INSPIRATIONS ET SES DERNIERS PROJETS.
1. Quel est votre lien à la joaillerie ? Est-il familial ?
Je pense que mes liens avec les bijoux ont commencé par un amour des pierres. Enfant, je ramassais des cailloux et des roches partout où j'allais, sur les plages, les rivières et dans les bois. J'avais des pierres spéciales dans ma poche et j'aimais leur calme, leur solidité et leur permanence. J'aimais qu'elles viennent de la terre, qu'elles aient une qualité ancienne et primitive. C'est ainsi que mon amour et ma fascination pour les bijoux a émergé. Ma famille est parsemée de peintres, de musiciens mais pas de bijoutiers.
2. Pouvez-vous nous parler de vos origines et de votre parcours ?
Je suis née à Montréal et j'ai grandi dans la campagne québécoise, puis, à l'âge de 10 ans, j'ai déménagé en Espagne et en Angleterre. J'ai adoré grandir à la campagne et j'ai fait de l'équitation, élevé des poules et eu de nombreux perroquets et autres animaux de compagnie. J'ai eu la chance d'avoir une mère qui aimait voyager et qui nous a fait vivre de nombreuses aventures pendant mon enfance. J'ai adoré rencontrer les gens dans les régions reculées de Tanzanie, dans les montagnes de l'Atlas, en Indonésie, et avoir un petit aperçu de leur vie dans ces paysages fascinants. Ma curiosité pour les modes de vie des autres m'a amenée à étudier l'anthropologie, puis à travailler dans le domaine des droits de l'homme pour les communautés indigènes et tribales du monde entier. Bien qu'il y ait de nombreux défis à relever dans ces régions, il y a aussi tant de personnes inspirantes qui font des choses remarquables dans les domaines de la protection de la culture, de la langue et des terres. En travaillant avec de nombreuses communautés dans des régions reculées d'Asie, j'ai constaté que tout le monde pouvait faire de belles choses, mais qu'il n'y avait pas nécessairement de marché local pour leur artisanat. Après avoir obtenu ma maîtrise en anthropologie médicale, j'ai commencé à travailler avec des communautés, des organisations caritatives et des ONG pour concevoir des bijoux inspirés des techniques, des compétences et des matériaux traditionnels, mais en leur donnant une touche contemporaine un peu plus universelle, tout en conservant leur origine esthétique originale. Entre-temps, j'ai travaillé avec Gucci sous la direction de Tom Ford et j'ai appris davantage sur le design et la création de collections, avec Nicole Farhi et Dosa pour créer des collections de bijoux.
Aujourd'hui, nous travaillons dans six pays avec de nombreux artisans, hommes et femmes, et chaque personne apporte son histoire et sa "main" dans les bijoux. Chaque personne a son propre style et son propre ressenti émotionnel avec la pièce. Nous travaillons dans la mesure du possible avec de l'or issu du commerce équitable, de l'or extrait et recyclé de manière équitable, de l'or extrait à la main et des pierres précieuses provenant de petites mines fiables.
3. À quoi pensez-vous lorsque vous créez un bijou ? Où puisez-vous votre inspiration ?
Je passe beaucoup de temps à toucher et à tenir des pierres, à les sentir dans mes mains et à décider de ce qu'elles peuvent devenir. Je travaille dans de nombreux pays avec des artisans très différents, du Myanmar, de l'Inde, de l'Afghanistan, la Colombie, de la Bolivie, avec des réfugiés de Syrie, de Palestine et d'Irak en Jordanie. Je trouve mon inspiration dans les pierres, les motifs traditionnels, la céramique, les textiles, en observant les gens dans les rues et sur les marchés des endroits où je travaille pour voir ce qu'ils portent. J'aime apprendre les significations anciennes et profondes des motifs ou les significations des pierres et de leurs propriétés dans les différentes cultures où je travaille.
4. Comment créez-vous vos bijoux ? Quelle est la première pièce que vous avez créée ?
Je travaille au travers des musées, des anciennes collections de bijoux, de l'artisanat et des arts du monde entier. Je suis également inspirée par les histoires, la nature et les anciens symboles universels de protection et de chance. Ma première collection consistait à créer, à l'aide d'une perceuse à main, de longs colliers de coquillages, de cailloux et de cristaux provenant du monde entier et ayant une signification pour moi. J'ai commencé à travailler l'or au milieu de la vingtaine, puis avec des orfèvres beaucoup plus talentueux en Inde et ailleurs.
5. Pouvez-vous nous parler de votre engagement caritatif avec Turquoise Mountain ?
J'ai commencé à travailler avec l'organisation caritative Turquoise Mountain en 2008. Il s'agit d'une organisation merveilleuse créée par le roi Charles III qui, est née à Kaboul, en Afghanistan, dans le but d’oeuvrer à la restauration de l'architecture et de l’artisanat traditionnels, avec la conviction que l'artisanat est porteur d'une grande partie du sentiment d'identité et de fierté d'une culture. La culture matérielle nous enracine, nous donne un sens de l'histoire et de la continuité. L’organisation a créé une école d'art et d'artisanat avec laquelle j'ai collaboré en concevant des collections inspirées de la région. Tuquoise Mountain a permis d’aider les ateliers à créer des emplois pour les diplômés et les artisans et à encadrer les étudiants. Nous avons continué à travailler avec Turquoise Mountain au Myanmar, où l'armée a malheureusement repris le pouvoir, en transmettant le savoir-faire de la joaillerie artisanale à la nouvelle génération, et en Jordanie avec de jeunes réfugiés de Syrie, de Palestine, d'Irak, du Yémen et de Jordanie.
L'organisation crée des opportunités de formation et d'emploi pour les plus vulnérables afin de leur permettre d'acquérir des compétences créatives et de les maintenir en vie. Actuellement, nous travaillons à Kaboul pour soutenir un projet de formation de jeunes femmes à la fabrication de bijoux, aux études commerciales, à l'alphabétisation et à l'anglais, lancé par notre partenaire à Kaboul, afin d'aider les femmes à acquérir des compétences et un certain degré d'indépendance en ces temps difficiles.
6. L’ailleurs tient une place importante dans votre processus créatif, pouvez-vous nous en parler ?
Je me suis toujours sentie chez moi dans d'autres endroits, je suis fascinée par la façon dont les gens réagissent à leur environnement naturel dans le monde entier, par leurs croyances et leurs histoires, par la façon dont ils font face et dont ils trouvent la résilience nécessaire pour tirer le meilleur parti des périodes difficiles. La relation entre les objets matériels trouvés dans la terre et comment et pourquoi nous choisissons de les porter et de ressentir une telle connexion émotionnelle avec eux m'intéresse profondément.
7. Êtes-vous attachée personnellement aux bijoux ? Si oui, à quel bijou en particulier ?
J'adore ma manchette en forme de gros coquillage. Je la porte depuis que j'ai vingt ans. C’est un vieux coquillage blanc transformé en manchette par le peuple Naga du nord-est de l'Inde. J'ai eu la chance de travailler avec un militant des droits de l'homme naga quand j'étais plus jeune, il a été mon mentor. Cette manchette, je ne l'enlève jamais, elle fait partie de mon corps. Je me sens en sécurité et protégée dans ma coquille.
8. En dehors de la main et donc du toucher, quel autre organe et sens vous sont indispensables ?
J'aime regarder mes pierres, et les orienter vers le soleil pour voir leurs mondes intérieurs mystérieux. Je trouve aussi qu'être dans la nature est une énorme source de régénération, de paix et un espace pour aider à donner un sens au monde.
9. Les pierres et les métaux procurent des émotions. Qu’est-ce qui vous touche le plus dans l’emploi que vous en faites ?
Pour moi, le fait qu'ils proviennent de la terre est le lien le plus important, j'aime qu'ils aient été créés au cours de milliers d'années à partir des éléments qui nous entourent et que l'énergie persiste avec eux.
10. Qu’auriez-vous fait si vous n’aviez pas été créatrice de bijoux ?
J'aurais aimé être écrivaine... conteuse d'histoires.
11. Quels sont vos artistes préférés ?
J'aime la nature primitive de Richard Long, les formes de Moor et Hepworth, mais surtout, j’ai une fascination pour Picasso.
12. Que diriez-vous à un.e jeune designer qui souhaite se lancer ? Comment percevez-vous l’évolution du monde de la joaillerie ?
Je pense qu'il est important de trouver sa voix, son identité dans le design, de couper le bruit, Instagram et le barrage des tendances et des styles et de trouver le sien, d’exprimer ce que vous voulez dire. J'espère que les pratiques éthiques consistant à être conscient de comment et où les choses sont fabriquées et par qui persisteront. Les pratiques minières peuvent être très dangereuses, et nous devons toujours trouver des alternatives lorsque c'est possible, afin d'extraire le plus proprement possible.
Pippa Small
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