- Hélène Rommelaere« J’ai toujours été fascinée par les bijoux car ils sont polarisés d’une histoire, un moment, d’une personne. C’est comme une petite pellicule d’un film, il y a l’esthétique, le grain, et l‘histoire s’écrit au fur mesure avec la personne qui va le porter. »
Diplômée du studio Berçot à Paris, Hélène Rommelaere fait ses premiers pas chez Vivienne Westwood puis Saint Laurent en tant que styliste bijoux. Enrichie de ces expériences, elle décide de développer un projet plus personnel. LAH (anagramme du prénom de ses enfants et du sien) voit le jour en décembre 2019. La vision de LAH Paris est de créer des bijoux durables, en argent recouverts d’or, fabriqués en France en petites séries.
1. POUVEZ-VOUS NOUS PARLER DE VOS ORIGINES ET DE VOTRE PARCOURS ?
Je suis née et j’ai grandi à Dunkerque, d’une famille d’enseignants. La lumière là-bas y est très particulière, en demi-tons et changeante, les plages sont étendues et entourées de dunes sauvages. J’ai un sentiment très vif de liberté quand je retrouve ces atmosphères de couleurs et l’horizon. Ma mère fabriquait pendant le week-end des vêtements avec sa machine à coudre pour moi. Je crois que de là est né mon goût pour le travail à la main.
J’ai fait des études d’ingénieur car mes parents n’imaginaient pas que je puisse vivre d’un métier créatif. J’ai travaillé pendant plus de 4 ans en tant qu’ingénieur en informatique. À 28 ans, je ne me sentais pas alignée avec ma nature profonde et j’ai décidé d’arrêter le métier d’ingénieur pour reprendre les études au studio Berçot, école de stylisme à Paris. J’ai passé de merveilleuses années dans cette école, où les heures de travail ne comptaient pas. J’y ai découvert ce que je voulais faire de ma vie et qui j’étais.
2. QUEL EST LE PREMIER BIJOU QUE VOUS AVEZ CRÉÉ ? QUE SIGNIFIE-T-IL POUR VOUS ?
Le tout premier bijou avant même de fonder la marque Lah Paris, je l’ai imaginé pendant mes études de stylisme. Il s’agissait en fait de deux manchettes en porcelaine, texturées de dentelle, qui entouraient les poignets en forme de noeud. Elles étaient en mouvement et figées dans la matière. Elles étaient imposantes en volume et importables ! La porcelaine et le côté texturé en dentelle créait un contraste et une certaine étrangeté que j’aimais bien. Ces premiers bijoux ont surtout provoqués un déclic en moi. Après cela, la création de bijoux m’est apparue comme une évidence.
3. VOS BIJOUX SYMBOLISENT LES LIENS QUI NOUS RELIENT. POUVEZ-VOUS NOUS EN DIRE PLUS ?
Nous vivons dans un monde où l’on a beaucoup cultivé la culture de l’ego, le développement personnel et la culture du mental. Je pense qu’au fond nous sommes intrinsèquement connectés. À certaines personnes de coeur, à la nature et aux saisons, à notre environnement, à l’univers.
Ces connections sont de l’ordre du physique, de l’émotionnel, du concret. Je crois que c’est tout à fait compatible avec le développement personnel d’ailleurs. J’ai toujours été fasciné par les bijoux car ils sont polarisés d’une histoire, un moment, d’une personne. C’est comme une petite pellicule d’un film, il y a l’esthétique, le grain, et l‘histoire s’écrit au fur mesure avec la personne qui va le porter. Les bijoux Lah parlent de cela. De nos liens de coeur et vie.
4. QUELLES SONT VOS SOURCES D’INSPIRATION ?
Elles sont multiples. J’adore me plonger dans les livres sur les bijoux anciens et je suis complètement fascinée par la culture du bijou, qui est multi-millénaire. Je peux passer des après-midis entières à regarder des livres sur les bijoux, tout s’arrête autour de moi. Les femmes joaillières comme Line Vautrin, Viviana Torun, Jeanne Toussaint sont assez peu connues du grand public et ont pourtant une influence notables sur le bijou contemporain. Certains films m’ont beaucoup marqué esthétiquement comme les petites marguerites de Vera Chytilova, les films de Jacques Tati comme Playtime. Je travaille aussi avec de la musique dans les oreilles : Flavien Berger, the Blaze, Sault, Rosalia, November Ultra, Léonie Pernet, Gabriels entre autres m’accompagnent au quotidien dans mon travail. L’observation de la nature m’apaise, m’inspire et me nourrit aussi beaucoup.
5. OR ÉTHIQUE, PRODUCTION À LA COMMANDE, PERSONNALISATION… VOTRE MARQUE EST RÉSOLUMENT MODERNE ET SE VEUT DURABLE. EN QUOI EST-CE IMPORTANT POUR VOUS DE PORTER UNE MARQUE ENGAGÉE ?
Je pense que c’est aujourd’hui une responsabilité pour tout créateur de marque de prendre en considération les enjeux environnementaux et humains actuels. Chez Lah Paris, nous essayons de faire au mieux possible, de communiquer sur nos produits de manière transparente et nous sommes en évolution permanente et dans une démarche de progression. C’est important de le préciser car si on se place dans une posture de perfection, on ne peut jamais se remettre en question ni progresser.
Aujourd’hui nous fabriquons toute notre ligne argent, vermeil et or près de Tours, chez un artisan. Le fait de travailler avec un artisan et non une usine nous permet de travailler à façon, c’est à dire lui fournir le métal, en l’occurrence l’argent. Cela nous permet de choisir la qualité de l’argent et surtout sa traçabilité. En l’occurence, il vient d’Italie, il est RJC et COC et 100 % recyclé. C’est très rare pour l’argent et aujourd’hui la majorité des usines travaillent avec de l’argent non recyclé dont la provenance n’est pas traçable. La galvanisation est faite à Paris, chez un qui utilise de l’or à 70% recyclé et labellisé à 100%.
Il y a encore du chemin à faire dans le domaine de la joaillerie qui est en retard par rapport au prêt à porter. Je pense notamment aux labels, qui sont très peu présents, qui va de paire avec la traçabilité.
Par exemple, il est encore très difficile de travailler avec du laiton recyclé et aujourd’hui cela reste impossible d’avoir la composition exacte des bains de galvanisations qui contiennent 1% de métaux dont il est impossible d’avoir la provenance. La culture du secret est encore très présente dans le domaine de la joaillerie. Nous sommes obligées d’avancer avec les avancées de ce secteur.
6. VOUS AIMEZ METTRE EN AVANT DES ARTISTES EN COLLABORANT AVEC EUX/ELLES. QUELLE SERAIT UNE COLLABORATION RÊVÉE ?
Othoniel, Onekean, Annabel Faustin même si elle a déjà représenté un de nos bijoux sur un de ses tableaux, Léo Walk.
7. QUI SONT VOS ARTISTES PRÉFÉRÉ.ES ?
Barbara Hepworth, Georgia O’Keeffe, Annabel Faustin, Line Vautrin, Peter Doig, Onekean.
8. ÊTES-VOUS PERSONNELLEMENT ATTACHÉE À UN BIJOU ? SI OUI, LEQUEL ET POURQUOI ?
La bague de naissance de ma fille achetée chez WHITEbIRD ! Une bague Charlotte Chesnais en or avec des pierres en dégradé sur le bord, on ne voit ce détail que lorsque l’on regarde la bague de face. J’adore ce détail caché. J’ai un souvenir heureux du moment passé chez WHITEbIRD et de l’impression de plénitude à l’arrivée de ma fille, Louisiane, 2ème et dernière de la famille. Moment à essayer les merveilleuses créations. Je me souviens avoir beaucoup hésité avec une bague de Cathy Waterman.
9. QUE DIRIEZ-VOUS À UN JEUNE DESIGNER QUI SOUHAITE SE LANCER ?
Garder en tête ses rêves, se jeter à l’eau, avoir peur et faire des erreurs fait partie de l’aventure :-) Ne laissez personne éteindre la lumière, si vous sentez profondément que cette voie est faite pour vous. Et surtout écouter sa voix intérieure. Savoir écouter les conseils et s’entourer, car on ne peut pas maîtriser tous les métiers que recouvrent la création d’une marque de joaillerie.
10. COMMENT PERCEVEZ-VOUS L’ÉVOLUTION DU MONDE DE LA JOAILLERIE ?
Je suis de nature impatiente et je trouve que les choses ne changent pas assez vite ou que la prise de conscience dans le monde de la joaillerie s’opère mais à trop faibles échelles. Je rêve que de grands acteurs de la joaillerie prennent les sujets environnementaux et humains de manière beaucoup plus engagée. Cependant les lignes bougent, de plus en plus de choses avancent et de plus en plus d’ateliers sont relocalisés en France. À tel point que c’est aujourd’hui très difficile de trouver un fabricant en France pour une petite marque.
11. MINI-PORTRAIT CHINOIS :
Si j’étais...
Une pierre : un galet arrondi par les vagues
Une fleur : une pivoine
Un plat : des spaghettis a la vongole
Une œuvre d'art : Milky way, Peter doig
Un livre : Chéri de Colette
Un pays : l’Italie
Un animal : un orque
Lah Paris
chez WHITEbIRD
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Rencontre avec Alighieri